Au moment du déclenchement de l'opération Sangaris, retour sur 45 ans d'interventions militaires françaises en République centrafricaine.
Une note de Florent de saint-Victor
Vous pouvez télécharger la note : (ici)
samedi 14 décembre 2013
mardi 10 décembre 2013
La Revue de cavalerie (1885-1939), par Julie d’Andurain
(d’après les travaux de
Quentin Nicaise, étudiant au bureau Recherche du CDEF/DREX)
Au
moment où la France sort de la période de recueillement consécutive à la
défaite de Sedan, l’armée française poursuit sa volonté de panser ses blessures
en donnant naissance à une nouvelle revue en avril 1885 : la Revue de
cavalerie. Comme les autres, elle est publiée par la maison Berger-Levrault qui
devient alors, plus que jamais, l’éditeur attitré de l’armée française ; elle
est placée sous la direction de Ch. Norberg, directeur-gérant tandis que
Charles Malo assure la fonction de rédacteur jusqu’en 1911, date à laquelle il
cède la place au colonel Fleury. Le premier éditorial précise que « la Revue
[…] traitera successivement et sous toutes leurs faces les diverses questions
qui intéressent l’arme, l’organisation, l’équipement, l’armement, la remonte,
la tactique et l’histoire de la cavalerie, ses rapports avec les autres armes,
son passé, son présent et son avenir ». Il s’agit donc bien d’une revue d’arme
faite pour les officiers de cavalerie, ceux qui, selon l’argot de Saint-Cyr, se
reconnaissent comme relevant de la basane.
Structure de la Revue de
cavalerie
Inspirée
par les autres revues d’armes (Revue du Génie, Revue d’infanterie, etc.), la
structure du périodique trouve vite ses marques et reste stable jusqu’à la
Première Guerre mondiale. Le volume mensuel se compose de cinq à huit articles
d’une longueur variant de 15 à 30 pages ; il s’achève toujours par des «
nouvelles et renseignements divers » portant sur les événements militaires
jugés dignes d’intérêt et une partie nécrologique particulièrement dense, plus
importante proportionnellement que dans les autres revues militaires. On trouve
naturellement à chaque livraison une « partie officielle » d’une trentaine de
pages avec la présentation des nouveaux décrets, les promotions, mutations et
radiations ainsi que sur les tableaux d’avancement des cavaliers. Enfin la
Revue de cavalerie se distingue de ses revues sœurs par la présentation régulière
des concours hippiques.
Au
sortir de la Grande Guerre (1921), après une suspension de publication de sept
ans, la configuration de la Revue est modifiée. Elle devient un bimensuel ; le
calibrage scientifique en une quinzaine de pages, régulier avant 1913,
disparaît pour laisser place à des articles de taille très variables - de
quelques pages à une soixantaine de pages si bien que l’on observe une légère
augmentation du nombre d’articles dans la seconde période (on passe d’une
moyenne de 95 articles/an à 103 articles/an) ; l’évolution la plus importante
réside dans l’anonymat des articles qui est désormais levé presque
systématiquement. Ces diverses transformations entraînent un affaiblissement de
la qualité de la revue car l’anonymat des articles, loin d’affaiblir les
périodiques militaires, les sert favorablement au contraire, les auteurs se
sentant moins contraints de pratiquer l’auto-censure. Enfin, la partie
nécrologique tend à disparaître tandis que celle concernant les « Notes et
renseignements divers » subit des modifications importantes en devenant de plus
en plus analytique.
Les thématiques
Les
sujets traités portent nécessairement sur la cavalerie et abordent les
différentes facettes de l’arme à commencer par le dressage des chevaux, la
remonte - service chargé de fournir les chevaux-, les questions liées à
l’équitation (manège, allure des chevaux), de Saumur et de tout ce qui a trait
à l’élevage ou aux haras. De façon plus anecdotique, la question des uniformes,
les « leçons de chic » de la basane ne sont pas oubliées, mais l’essentiel
réside plutôt dans une réflexion d’ordre militaire qui a pour principal objet
d’observer les méthodes de cavalerie allemande (103 articles), la cavalerie
italienne (25) et plus accessoirement la cavalerie russe (16).
Sur
l’ensemble de la période, on perçoit bien la réflexion introspective de l’arme
sur elle-même, arme qui sert d’abord à l’exploration, la patrouille ou la
couverture avant de connaître une évolution majeure au cours de la Première
Guerre mondiale avec l’avènement progressif de la mécanisation. Si c’est bien
la recherche de mobilité qui guide les auteurs qui pensent d’ailleurs un temps
pouvoir associer les cyclistes à l’arme de la cavalerie ou si les articles
portant sur l’« artillerie volante à tir rapide » (1905) annoncent déjà les
évolutions vers la mécanisation de l’arme avec les auto-mitrailleuses et les
chars, on perçoit très nettement la lutte interne très forte entre « les
Anciens et les Modernes ». Elle se matérialise dans l’opposition deux écoles irréductibles
l’une à l’autre, celle de la tradition et celle du progrès, qui sont obligées
de prendre en compte le perfectionnement continu de la précision et de la
puissance des armes à feu, qu’il s’agisse des fusils employés par l’infanterie, de l'usage de la carabine dont fut dotée la cavalerie ou de celui de la mitrailleuse, sans oublier la
poudre sans fumée et le blindé (« Le char remplace-t-il la cavalerie ? » 1921).
Toutes ces techniques imposent progressivement une série de modifications du
modus operandi de la cavalerie (123 articles sur la tactique).
L’arme
se mécanise discrètement durant l’entre-deux-guerres – via une rubrique
intitulée « chronique automobile » à partir de 1934 - sans pour autant que la
Revue se revendique comme l’arme de spécialisation des blindés, rôle qu’elle
endosse aujourd’hui. C’est davantage la revue des Anciens, ceux qui veulent se
rappeler les bienfaits de la cavalerie montée, « symbole de panache, de
hardiesse et de loyauté dans le combat au temps de la chevalerie, symbole de
décision audacieuse et d’exécution rapide dans les chevauchées des Murat et des
Lasalle, symbole d’entraînement joyeux aux qualités requises sur les champs de
bataille de tous les temps dans ce Ludus pro patria du général Blacque Bélair…
».
Les auteurs
La
répartition des articles par auteurs fait apparaître une domination très nette
des grades supérieurs : 210 articles rédigés par un général ; 176 par un
colonel ; 120 par un commandant ; 228 par un capitaine et 145 par un
lieutenant. Les officiers généraux et supérieurs sont donc les principaux
rédacteurs, suivis de près par les capitaines. C’est une configuration relativement
classique des revues d’armes, mais la proportion des généraux est tout de même
ici supérieure à la moyenne. Par ailleurs, ces officiers généraux parmi
lesquels on retrouve souvent les noms de Thoumas, Vanson, Audibert, Boullaire,
Brécard, Donop sont généralement à la retraite (c’est le cas de Thoumas) et peu
enclins à s’intéresser aux questions de modernisation de l’arme de la
cavalerie. Ils traitent prioritairement les articles nécrologiques qui font dès
lors figure de « marronniers » réservés aux généraux ou bien ils célèbrent les grands
ancêtres napoléoniens tels Nansouty, Pajol, Exelmans ou le fameux hussard de
Metz, le général Lasalle, enfant terrible
de la cavalerie légère sous l’Empire.
On
comprend mieux dès lors pourquoi, dans le cadre de la querelle des Anciens et
des Modernes, la Revue de la cavalerie n’a guère été favorable à une
mécanisation accélérée de l’arme de la cavalerie.
Vous trouverez les 3250 références de la Revue de cavalerie sur la base de données
MILINDEX sur le site du CDEF : www.cdef.terre.defense.gouv.fr.
dans la partie droite de la page d’accueil.
1 - Cliquez sur « Accéder à la
base de données »
2 – Entrez les mots de passe milindex (pour user name) et recherche (pour password) et cliquez
sur « login » (ne pas utiliser la touche « Entrée » du
clavier)
3 – Sur la page de recherche (Reports), cliquez par exemple
du Milindex-titre et commencez votre recherche par un mot clé (ex : guerre
ou armée ou blessé ou troupe ou paix, etc.) avant de cliquer sur « login ».
4 - Les articles sont consultables à la bibliothèque patrimoniale du CDEM (Centre de Documentation de l'École militaire) à Paris ou consultables en ligne sur le site de Gallica (Bnf) où, à ce jour, 25 unités sont disponibles (1905-1925).
4 - Les articles sont consultables à la bibliothèque patrimoniale du CDEM (Centre de Documentation de l'École militaire) à Paris ou consultables en ligne sur le site de Gallica (Bnf) où, à ce jour, 25 unités sont disponibles (1905-1925).
vendredi 6 décembre 2013
Lettre du retex-Recheche n°7 Al Qaïda et le Jihad aujourd'hui
Plus de dix ans après le début de la "guerre contre le terrorisme", la menace incarnée par Al Qaïda a considérablement évolué. Un point de situation par Yves Trotignon.
Vous pouvez la télécharger sur le site du CDEF (ici)
lundi 2 décembre 2013
La Revue d'artillerie (1872-1939), par Julie d'Andurain
(d’après les travaux des étudiants du bureau
Recherche du CDEF/DREX, Pauline Lejeune et Romain Herreros)
La Revue de la Revanche
La Revue d’artillerie
trouve ses origines dans la défaite de 1870. Placée d’emblée sous l’autorité du
président du Comité d’artillerie (général Forgeot), elle est créée en mai 1872
à la demande du ministre de la Guerre, le général Cissey, qui réclame un droit
de regard sur les publications. S’insurgeant aussitôt contre une probable
censure, le général Forgeot réclame et obtient une liberté d’action pleine et
entière. Il porte ainsi sur les fonts baptismaux la première des revues d’arme
de la IIIe République en s’assurant d’emblée de la qualité des
articles et de la liberté du propos. Sous la direction de Charles Norbert,
gérant jusqu’en 1913, la publication mensuelle est confiée à la maison
d’édition Berger-Levrault qui vient tout juste de s’installer à Nancy après
avoir quitté Strasbourg. En dehors de l’intermède de la Grande Guerre
(1914-1920), la Revue d’artillerie est publiée sans interruption de 1872
à 1939, produisant plus de 7 000 articles scientifiques ou chroniques
officielles.
Imprégnée de positivisme scientiste, la Revue d’artillerie publie principalement des articles scientifiques, des articles d’ingénieurs souvent illustrés par des schémas d’explications, de calculs, de tableaux arithmétiques ou de croquis techniques. Elle est rédigée principalement par des officiers ingénieurs issus de l’École Polytechnique ou passés par l’École du génie de Metz ou l’École d’application d’artillerie de Fontainebleau. La plupart du temps, il s’agit de jeunes officiers (capitaine ou chef d’escadron) mais on voit aussi passer les « grands noms » de l’histoire de l’artillerie française comme les généraux Brugère, Putz, Challéat, Estienne ou Benoit qui se sont servis du périodique de leur arme pour coucher sur le papier leurs réflexions visionnaires relatives à l’évolution de l’artillerie (aviation militaire, position défilée, concentration des feux, observations…). D’autres sont moins connus, mais prolifiques, comme le capitaine Curey qui publie pas moins de 41 articles entre 1898 et 1908. Après la Première Guerre mondiale toutefois, la surreprésentation des grades subalternes cède le pas pour laisser place à l’écriture d’officiers supérieurs voire généraux qui utilisent la Revue d’artillerie comme un support au « retour d’expérience ».
Même s’ils ne sont pas explicitement définis, les objectifs de la Revue d’artillerie recouvrent plusieurs besoins. Il s’agit d’abord de renseigner les officiers sur les avancées scientifique et doctrinale relatives à leur arme. Ainsi, chaque modification de revolvers, constitutions d’affût, expériences sur des poudres explosives, essais d’obus ou exercices de manœuvre d’artillerie trouve à être exposée, même brièvement. S’ajoute comme dans toutes les revues d’armes, une rubrique « officielle » permettant à chacun des officiers de se tenir informé des décisions institutionnelles, de l’avancement ou des mutations au sein de l’arme. Enfin des notices bibliographiques viennent clore l’instruction du lecteur qui peut ainsi approfondir ses connaissances. Au-delà du caractère « informatif », la Revue d’artillerie cherche aussi à faire évoluer le débat relatif à l’emploi de l’arme au sien de l'armée en constituant une tribune où les officiers peuvent exposer leurs avis personnels sur telle ou telle question doctrinale. C’est ainsi que des débats relatifs à l’usage de l’artillerie défilée ou au simple rôle de « soutien » ou « d’appui » de l’infanterie se constituent par articles interposés laissant, de fait, une place importante à la controverse scientifique et aux opinions divergentes.
Imprégnée de positivisme scientiste, la Revue d’artillerie publie principalement des articles scientifiques, des articles d’ingénieurs souvent illustrés par des schémas d’explications, de calculs, de tableaux arithmétiques ou de croquis techniques. Elle est rédigée principalement par des officiers ingénieurs issus de l’École Polytechnique ou passés par l’École du génie de Metz ou l’École d’application d’artillerie de Fontainebleau. La plupart du temps, il s’agit de jeunes officiers (capitaine ou chef d’escadron) mais on voit aussi passer les « grands noms » de l’histoire de l’artillerie française comme les généraux Brugère, Putz, Challéat, Estienne ou Benoit qui se sont servis du périodique de leur arme pour coucher sur le papier leurs réflexions visionnaires relatives à l’évolution de l’artillerie (aviation militaire, position défilée, concentration des feux, observations…). D’autres sont moins connus, mais prolifiques, comme le capitaine Curey qui publie pas moins de 41 articles entre 1898 et 1908. Après la Première Guerre mondiale toutefois, la surreprésentation des grades subalternes cède le pas pour laisser place à l’écriture d’officiers supérieurs voire généraux qui utilisent la Revue d’artillerie comme un support au « retour d’expérience ».
Même s’ils ne sont pas explicitement définis, les objectifs de la Revue d’artillerie recouvrent plusieurs besoins. Il s’agit d’abord de renseigner les officiers sur les avancées scientifique et doctrinale relatives à leur arme. Ainsi, chaque modification de revolvers, constitutions d’affût, expériences sur des poudres explosives, essais d’obus ou exercices de manœuvre d’artillerie trouve à être exposée, même brièvement. S’ajoute comme dans toutes les revues d’armes, une rubrique « officielle » permettant à chacun des officiers de se tenir informé des décisions institutionnelles, de l’avancement ou des mutations au sein de l’arme. Enfin des notices bibliographiques viennent clore l’instruction du lecteur qui peut ainsi approfondir ses connaissances. Au-delà du caractère « informatif », la Revue d’artillerie cherche aussi à faire évoluer le débat relatif à l’emploi de l’arme au sien de l'armée en constituant une tribune où les officiers peuvent exposer leurs avis personnels sur telle ou telle question doctrinale. C’est ainsi que des débats relatifs à l’usage de l’artillerie défilée ou au simple rôle de « soutien » ou « d’appui » de l’infanterie se constituent par articles interposés laissant, de fait, une place importante à la controverse scientifique et aux opinions divergentes.
Le poids du
contexte


Toutes les thématiques choisies restent toujours bien marquées par le poids de l’efficacité technique et la nécessité, selon les auteurs, de répondre aux exigences de « puissance » et de « rapidité ».
Un référencement désormais accessible sur le site du CDEF
Des étudiants ayant participé à un programme de
référencement au bureau Recherche du CDEF/DREX,
l’ensemble des références de la Revue d’artillerie (soit 7148)
sont désormais accessibles sur le site du CDEF : www.cdef.terre.defense.gouv.fr.
1 – Cliquez sur Milindex dans la partie droite du site
puis « Accéder à la base de
données »
2 – Entrez les mots de passe milindex (pour user
name) et recherche (pour password) et cliquez sur « login »
(ne pas utiliser la touche « Entrée » du clavier)
3 – Sur la page de recherche (Reports), cliquez par exemple
du Milindex-titre et commencez votre recherche par un mot clé (ex : guerre
ou armée ou blessé ou troupe ou paix, etc.) avant de cliquer sur
« login ». Si vous voulez
chercher par le nom d’auteur, indiquez le nom de famille avant le prénom.
4 – Une fois les références trouvées, les articles sont
eux-mêmes consultables en bibliothèque (ou sur Gallica pour la période
1872-1923).
jeudi 28 novembre 2013
Lettre du retex-Recherche n°6 L'intervention militaire française au Tchad (1969-1972)
Avant l'opération Serval, il y eut l'opération Limousin au Tchad de 1969 à 1972, modèle de contre-insurrection moderne réussie avec une "empreinte légère".
Vous pouvez la télécharger sur le site du CDEF (ici)
lundi 25 novembre 2013
Lettre du retex-Recherche n°5 Dans le crâne d'un colonel
La lettre du retex-Recherche n°5 est consacrée à l'analyse du processus du processus de décision d'un chef au combat, en l'occurrence le lieutenant-colonel De Saqui de Sannes le 17 juin 1993 à Mogadiscio.
Vous pouvez la télécharger sur le site du CDEF (ici)
dimanche 24 novembre 2013
La Revue d’infanterie (1887-1939), par Julie d’Andurain
(d’après les travaux des
étudiants du bureau Recherche du CDEF, Dimitri Le Guellec et Julie
Prin-Lombardo)
La
Revue d’infanterie appartient à la
catégorie des revues d’armes (infanterie, artillerie, cavalerie) qui
apparaissent dans le sillage de la défaite française de 1870. Née en janvier 1887 chez l’éditeur Lavauzelle
sous l’égide du ministère de la Guerre, elle a pour but de faire circuler une
information spécifique au sein du monde des officiers. Son but non avoué
consiste à prendre acte de la faiblesse pour ne pas dire de la carence de la
réflexion intellectuelle au sein de l’armée durant les années précédant la
guerre franco-prussienne - défaillances qui aux dires des spécialistes ont
entraîné l’échec de Sedan – et d’y remédier. De fait, au cours des années
précédentes, à l’exception notable de la Revue militaire française née en 1869, la littérature militaire se limite
souvent à des annuaires ou à des recueils de documents officiels sans grande
valeur intellectuelle. À l’issue de la guerre de 1870 donc, invitée par
quelques officiers supérieurs - tels le colonel Lewal - à se réformer, l’armée
entreprend une mue intellectuelle qui s’appuie pour partie sur l’essor de la
presse périodique et l’enracinement de la République. Puisqu’il s’agit
désormais d’informer et de s’informer en permanence sur les évolutions
techniques, tactiques et stratégiques qui ont court tant en France qu’à
l’étranger, la Revue d’Infanterie
s’engage ainsi d’emblée vers une écriture scientifique et professionnelle de
qualité, considérant que rien de ce qui touche à la chose militaire ne lui est
étranger. À raison d’un numéro d’une dizaine d’articles tous les mois, elle
produit ainsi entre 1887 et 1939, date de sa disparition, une littérature
considérable aujourd’hui intégralement référencée dans la base de données
MILINDEX (voir ci-dessous).
Si
les premiers numéros présentent des articles scientifiques non signés, le
principe de l’anonymat des textes s’atténue dès l’année suivante avec
l’utilisation d’initiales ou de pseudo puis disparaît pour partie à partir du
début des années 1890. On découvre alors que les auteurs sont toujours des
officiers, les grades subalternes - lieutenant et commandant - l’emportant
assez largement sur les grades supérieurs - lieutenant-colonel et colonel - et
généraux. Sur l’ensemble de la période, la part des officiers brevetés ne cesse
d’augmenter attestant, entre autres, de la qualité de la revue. Certains
auteurs font preuve de qualités remarquables comme le chef de bataillon
Painvin, véritable polyglotte capable de traduire et de restituer l’information
de documents allemands, russes, roumains, portugais, italiens et anglais ;
d’autres sont très spécialisés comme le Lcl Pierre intéressés pratiquement exclusivement
par les chars au cours des années 1930 ; d’autres comme Loustanau-Lacau se
spécialisent dans la chronique des revues étrangères. Enfin, la revue donne à
lire la prose de quelques célébrités du monde militaire (de Gaulle, Pétain,
Estienne, Monsabert). Mais globalement, du fait du grade des auteurs, une
grande partie des réflexions porte sur des analyses ne dépassant pas le niveau
d’emploi du régiment plutôt que sur les niveaux supérieurs de commandement,
brigades et divisions. De la même façon, les questions de tactique, de
manœuvres et de règlements se trouvent ainsi privilégiées.
Revue
d’arme, la Revue d’infanterie traite
prioritairement de la « reine des batailles » mais elle n’exclue
nullement les analyses portant sur l’infanterie de marine, l’armée d’Afrique,
l’artillerie, la cavalerie, le génie, l’intendance ou le service de santé
naval, de même que la réflexion sur les liaisons entre les armes ne lui est pas
étrangère. Durant les premières années, il est évident cependant que le périodique
est centré sur l’analyse des mondes germaniques (allemand et autro-hongrois)
considérant qu’il avait là beaucoup à apprendre. L’étude de la guerre dans une
version francisée de la « Kriegspiel » caractérise ainsi une grande partie de la revue qui adopte dès
lors un ton positiviste, l’instruction militaire trouvant dans l’étude
académique un complément indispensable. On retrouve des thèmes chers à l’époque
tels que la connaissance du terrain qui nécessite une étude approfondie de sa
topographie, le recours à la science mathématique pour concevoir la
planification, l’importance du mouvement de masse et la nécessité de devoir le
réguler et le maîtriser. Cependant, petit à petit, les études à caractère
historique se multiplient à mesure que s’impose l’idée que la connaissance du
passé est nécessaire pour mieux comprendre le présent et, éventuellement,
anticiper l’avenir. Il s’agit à la fois de « s’instruire pour
vaincre » mais aussi de tirer les enseignements du passé. La Revue se propose donc de balayer le plus possible
l’histoire de l’infanterie française à travers les âges (le Lcl Belhomme se
charge d’en faire un historique avec pas moins de 125 articles) et témoigne d’un
intérêt croissant pour les conflits extérieurs comme sources d’enseignements multiples.
On étudie ainsi de façon approfondie la guerre sino-japonaise de 1905, les
campagnes coloniales britannique et italienne du Soudan égyptien et de
l'Érythrée, abordant déjà ainsi des réflexions qui relèvent davantage du
renseignement.
Des étudiants du bureau Recherche du CDEF ont participé à un
programme de référencement de revues militaires si bien que l’ensemble des
références de la Revue d’infanterie sont
désormais accessibles sur le site du CDEF : www.cdef.terre.defense.gouv.fr.
1 – Cliquez sur Milindex dans la partie droite du site
puis « Accéder à la base de
données »
2 – Entrez les mots de passe milindex (pour user name) et recherche (pour password) et cliquez sur « login »
(ne pas utiliser la touche « Entrée » du clavier)
3 – Sur la page de recherche (Reports), cliquez par exemple
du Milindex-titre et commencez votre recherche par un mot clé (ex : guerre
ou armée ou blessé ou troupe ou paix, etc.) avant de cliquer sur
« login ». Si vous
voulez chercher par le nom d’auteur, indiquez le nom de famille avant le
prénom.
Bonne navigation !
Julie
d’Andurain
Responsable
du projet MILINDEX au bureau Recherche du CDEF/DREX
jeudi 21 novembre 2013
MILINDEX-La plus grande base de données française d'histoire militaire est désormais opérationnelle
Fruit d’une collaboration de trois années entre le bureau
Recherche du Centre de Doctrine d’Emploi des Forces (CDEF), le Centre de
Documentation de l’Ecole militaire (CDEM) et l’Université, la base de données
MILINDEX vous permet d’accéder aux sommaires de périodiques militaires des IIIe,
IVe et Ve Républiques ainsi que certains périodiques en
langue anglaise.
MILINDEX ne donne pas accès au document lui-même. Il donne
simplement la référence d’un article c'est-à-dire le nom de son auteur, le
titre exact de l’article et l’ensemble des éléments scientifiques (date,
tomaison, pages) qui permettent de le repérer correctement en bibliothèque.
À ce jour, près de trente revues ont été référencées,
d’autres suivront. Parmi les plus importantes, vous trouverez les revues d’arme
de la IIIe République :
la Revue
d’artillerie (1872-1939), la
Revue de cavalerie, la Revue d’infanterie (1887-1939), la Revue du service de l’Intendance militaire
(1888-1959), la Revue militaire du génie (1887-1959) ; la Revue militaire générale (1907-1973) ; le Journal des Sciences militaires (1825-1914) ; la Revue militaire de l’étranger (1872-1899) et
sa suite la Revue
militaire des armées étrangères (1899-1914) ; le Spectateur militaire (1826-1914) ; la Revue des Troupes coloniales (1902-1939).
Des périodiques plus proprement historiques tels que la Revue historique des armées, la fameuse RHA,
figurent également sur ce site ainsi que la Revue d’histoire de la Guerre mondiale (1923-1939), les Cahiers du Centre d’Études d’Histoire de la Défense (1996-2008), 14-18, le magazine de la Grande Guerre (2011-2012),
de même quelques grandes revues intellectuelles de la IIIe République , intégralement
dépouillées : Revue des Sciences Politiques (1911-1936), La Revue
Politique et Parlementaire (1894-1971).
Enfin,
sur des questions plus contemporaines, des périodiques en langue anglaise, plus
récents ont également été référencés : Comparative Strategy, European
Security ; An International Journal ; Comtemporary Security Police ; Conflict,
Security & Development ; International Security ; Mediterranean Quarterly,
A Journal of Global Issues ; Strategic Studies, Quarterly Journal of the
Institute of Strategic Studies Islamabad, etc.
MILINDEX regroupe à ce jour près de 80 000 références
scientifiques d’articles peu connus, mais dont certains sont assurément de
grande qualité. Il est ainsi possible d’établir une solide bibliographie
scientifique avant d’aller consulter les documents en bibliothèque : le
Centre de Documentation de l’École militaire, particulièrement mais aussi à la
bibliothèque du SHD (Service Historique de la Défense à Vincennes) et à la Bnf , certaines revues étant
par ailleurs numérisées sur Gallica.
Ces revues abordent de près ou de loin le fait militaire que
ce soit par des aspects stratégiques, opératifs ou tactiques ou par l’histoire
militaire proprement dite, française ou étrangère. Le mode d’accès à la base de
donnée (par titre, par périodique, par auteur ou par année) permet d’envisager
des thématiques très variées touchant aux armées comme le commandement, le
recrutement, l’étude des armées étrangères avec une recherche par pays, les
questions de contre-insurrection et de guérilla, le mercenariat, la santé aux
armées (hygiène, maladie, prophylaxie, etc), le renseignement, etc, la liste
n’étant bien évidemment pas exhaustive.
Vous trouverez MILINDEX sur le site du CDEF : www.cdef.terre.defense.gouv.fr. Les codes d'accès y sont donnés et il suffit ensuite de cliquer sur Login.
En dépit des précautions prises lors de l’élaboration de cet
outil, il n’est pas impossible qu’il y ait encore quelques coquilles. Afin que
nous puissions les corriger, veuillez avoir l’amabilité de les signaler à la
responsable du projet Mme Julie d’Andurain : julie.d-andurain@intradef.gouv.fr
ou julie.andurain@gmail.com
jeudi 14 novembre 2013
Lettre du retex-Recherche n°4 Le groupe Al-Shabaab et l’attaque de Nairobi
La lettre du retex-Recherche n°4 est consacrée à l'histoire du groupe Al-Shabaab, de la naissance du mouvement à l'attaque de Nairobi. Elle a été rédigée par Sonia Le Gourrielec.
Vous pouvez la télécharger sur le site du CDEF (ici)
mardi 22 octobre 2013
La métamorphose des éléphants 8-La circulation des idées nouvelles
1-Une autre question est de savoir
à quel niveau faire rencontrer les problèmes et les solutions.Au
XVIIème siècle, à la question « qui définit le bien
commun? », Hobbes répondait : « c'est
le souverain » alors que pour Locke : « ce
qui est commun l'est à partir du consensus entre les citoyens ». Dans
le même esprit, à la question « qui doit conduire le
changement dans les armées ? »,
plusieurs visions sont possibles. Elles sont généralement le reflet de la
société.
Comparons par exemple, les
processus d’évolution soviétiques et américains pendant la Seconde Guerre
mondiale.
Dans le premier cas, la
Stavka , accumulait les comptes-rendus et les données
diverses, 60 gros volumes pendant l’année 1942, puis réécrivait d’un coup tous
les documents doctrinaux pour ajuster les normes réglementaires aux
observations.
Le processus américain est radicalement différent. D’essence libérale, il se
fonde sur l’initiative personnelle. La vérité n’est pas censée se trouver dans
une autorité centrale mais dans les unités au contact des problèmes. On fait
donc confiance à la capacité d’initiative dans le cadre d’une
doctrine très souple fournie par le haut-commandement, à l’instar des ouvriers qui ont construit le bâtiment du Pentagone en
1943 avant même que les plans soient terminés.
Cette
doctrine n’a pas un caractère dogmatique et ne dicte pas les solutions aux
problèmes. Le rôle du commandement est
alors non seulement de collecter l’information mais aussi de la faire circuler.
Les débats sont encouragés, Une multitude de manuels et documents de type
« Battle Lessons » est diffusée et, en pleine campagne de 1944 en
Europe, des voyages d’état-major sont organisés sur les lieux des combats
récents. Parallèlement à ce processus interne, un réseau d'observateurs, pour
la plupart des historiens, suivent et analysent les opérations de manière
indépendantes (1500 rapports sont ainsi établis sur les combats en Europe
pendant la Seconde
Guerre mondiale).
On retrouve là la même problématique entre le combat
« tiré par l’avant » ou « poussé par l’arrière ». Dans
le premier cas, on laisse les unités de combat exploiter immédiatement les
opportunités qui se présentent et on pousse les moyens et les réserves vers
ceux qui réussissent. Dans le deuxième cas, on centralise les moyens pour les
concentrer sur le point décisif.
2-L’avantage de la première
méthode est sa rapidité, son
inconvénient est la dispersion, d’où la nécessité d’un cadre de pensée de
l’action suffisamment large pour laisser de la liberté tout en encadrant les
efforts dans une certaine direction.
C’est le cas pour l’US Army en
Europe en 1944, ce n’est pas le cas pour la même US Army en Irak en 2003
lorsqu’apparaît la guérilla car il n’y a pas de doctrine de contre-guérilla.
Chacune des quatre divisions américaines présentes à ce moment là mène sa
propre guerre, parfois en incohérence totale avec les voisins ou les unités
relevantes. Cela peut fonctionner, comme avec la 101e division du
général Petraeus, mais dans l’ensemble c’est un échec complet.
3-L’avantage de la seconde
méthode, disons soviétique, est au contraire sa cohérence mais son inconvénient est sa lenteur.
Face au même problème de la
guérilla mais en Afghanistan à partir de 1980, les divisions soviétiques,
contrairement aux américaines ont toutes agi sensiblement de la même façon en
essayant d’appliquer des méthodes réglementaires parfaitement inadaptées. Les
comptes-rendus sont ensuite remontés au quartier général de Tachkent et année
après année, par pulsions, les méthodes ont évolués inexorablement.
On constate donc que sur les différentes cultures militaires
n’abordent pas de la même façon chacune des quatre étapes du cycle d’évolution.
On constate aussi que les idées,
surtout en temps de guerre, sont le résultat d’un arbitrage entre la qualité et la rapidité.
3-Mais dans l’idéal, cette phase
de recherche doit débuter largement en amont de la crise. Cela suppose
d’accepter d’avoir des idées
alternatives à la doctrine. Sous peine de schizophrénie, ces idées
alternatives peuvent difficilement provenir des hommes qui ont conçu la Doctrine en vigueur et
qui en général sont peu nombreux à se remettre en cause. Il est donc souvent
nécessaire d’accepter en marge des institutions spécifiques, un courant de pensée non-institutionnelle
et suffisamment libre pour pouvoir explorer d’autres voies. Pour simplifier,
accepter que des militaires écrivent librement des livres et des articles.
Cela ne va pas toutefois sans
poser quelques problèmes. Pour
prendre une analogie économique, pour ces individus qui s’efforcent de porter
des idées nouvelles, le « coût
d’entrée » dans le débat doctrinal est souvent très important. Ils
doivent fournir un effort supplémentaire à leur tâche quotidienne, trouver un
espace pour faire entendre leurs idées et affronter éventuellement, en position
très asymétrique, la réaction institutionnelle.
4-Lorsque les armées considèrent (et tout est dans ce
« considèrent ») qu’elles ont besoin de nouvelles idées,
c’est-à-dire concrètement lorsque la Doctrine en cours rencontre de sérieux problèmes,
elles sont incités à diminuer ce coût
d’entrée, par exemple en offrant des espaces d’expression (revues, édition,
conférences, etc.) ou en accordant du prestige ou de l’avancement aux écrivains
militaires. C’est le cas en France après 1871, ce qui suscite une production
intellectuelle considérable.
Inversement, lorsque les armées ne
voient pas l’intérêt d’idées nouvelles ou lorsque les idées nouvelles sont vécues comme une insubordination, il
suffit comme Mac Mahon pendant le Second Empire de rayer de l’avancement
« tout officier qui a son nom sur un livre » ou comme Gamelin
d’imposer d’apposer sa signature sur tout ouvrage écrit par un officier pour
élever d’un coup le coup d’entrée de la réflexion, et dans ces deux cas, annoncer
de grands désastres.
5-Pour
reprendre les idées de Schumpeter, la nouvelle allocation des ressources est le
fruit de l’action, le plus souvent spontanée et volontaire, de d’hommes qui
constituent les atomes de la transformation. A un échelon qui dépasse la
création et la diffusion d’astuces du métier, les projets d’innovations plus
importants ont besoin d’être portés par de véritables « pionniers ».
Parmi
les plus connus, on peut citer le soviétique Toukhatchevsky, réorganisateur de
l’armée rouge du début des années 1930, les Américains Mitchell (emploi de
l’aviation), Kenney (aérotransport), Mac Nair (structures des forces) ou
l’Allemand Guderian.
Le général Estienne, le « père de chars »
français, est un bon exemple de « pionnier ». Polytechnicien, il a reçu
une solide formation scientifique qu’il met au service d’un esprit créatif.
Dans sa carrière d’artilleur, de multiples inventions lui ont donné une
notoriété qui lui vaut de recevoir, en 1909, la mission d’organiser un centre
d’aviation à Vincennes. Il y développe ses idées sur le réglage aérien de
l’artillerie, idées qu’il concrétise le 6 septembre 1914, à
Montceaux-les-provins, avec les deux aéroplanes spéciaux qu’il a fait réaliser.
Il est alors à la 6e DI sous les ordres du général Pétain. A la
différence de tous ceux qui proposent des projets d’engins blindés en 1915,
Estienne connaît les réalités du front. Il est, comme la plupart des pionniers,
à la conjonction de plusieurs mondes, ce qui lui permet de nouer des
« alliances » d’hommes et d’objets. Parrainé par Pétain, son ancien
chef, puis Joffre, il découvre, grâce à son réseau social formé dans ses
fonctions antérieures, que la maison Schneider a développé un prototype
intéressant. Il s’associe alors à son ingénieur en chef, Brillé, pour
l’introduire, après quelques modifications sur le « plateau de jeu ».
6-Toute œuvre est une action collective qui
met des acteurs en réseau et ne peut exister que dans ce réseau. Même les
artistes peintres les plus géniaux sont dépendants des techniciens et des
matériels qui les entourent.
Comme
Picasso, par exemple, a modifié certains de ces tableaux pour plaire aux goûts
artistiques du spécialiste de la presse à la main dont il dépendait.
3-Le
pionnier passe ainsi le plus clair de son temps à adapter ses projets aux stratégies
des uns et des autres et à lutter contre des concurrents. Une innovation ne s’impose pas d’elle-même par ses qualités
intrinsèques, elle doit être « traduite » dans le langage de ceux qui
la reçoivent.
Pour
emporter la décision du Grand Quartier Général, Estienne s’appuie sur un
argumentaire insistant sur le faible coût d’un échec éventuel car si le projet
existant ne donne pas satisfaction, il sera facile de transformer ces engins en
tracteurs d’artillerie. Il faut noter que son idée n’est adoptée que lorsque
toutes les autres méthodes classiques ont échoué à percer le front allemand.
Son combat suivant sera de garder la maîtrise du processus de développement
face au réseau rival qui se met en place dans les services jaloux.
Les idées sur la nécessaire
adaptation des forces américaines à la contre-guérilla
avait peu de chances d’être entendues aux Etats-Unis après le triomphe de la
doctrine Airland battle dans le Golfe en 1991. Depuis les difficultés en Irak
et en Afghanistan, le coût d’entrée a diminué et un espace s’est crée qui
permet au moins d’entendre ce genre de propos et de faire monter les
propositions de solutions jusqu'aux décideurs.
Ce réseautage et cet effort de « traduction » permet
d’atteindre une masse d’exposition médiatique. Pour atteindre
cette masse critique, il faudra donc jouer sur des critères bien peu
scientifiques comme l’autorité (le parrainage
de généraux influents), la preuve
sociale (si beaucoup d’officiers pensent comme cela c’est que cela doit
avoir au moins une part de vérité) ou l’intérêt corporatiste. Une nouvelle idée est donc comme un mot au scrabble, il lui faut de la place et il faut la
lier à des soutiens, quitte à la transformer quelque peu.
4-Bien souvent, pour diminuer
cette charge psychologique, ces individus se regroupent au sein d’ « écoles » ou de
« laboratoires tactiques » comme les
Surréalistes, les économistes viennois ou les mathématiciens du groupe Bourbaki.
Cela permet de pratiquer l’écoute
et l’enrichissement mutuel. Le débat et la discours explicite, nécessaire à la novation y sont
possibles ainsi que la confiance
nécessaire aux expérimentations hasardeuses. Il apparaît ainsi que la sécurité
et la cohésion sociale permettent de faire face plus facilement aux défis
proposés en permettant la coopération.
On
peut citer par exemple l’escadrille MS3 des Roland Garros, Guynemer et Brocard
pour le développement des techniques de chasse en 1915,
les
Chindits de Wingate pour l’expérimentation du combat en jungle,
le
groupe d’hélicoptères numéro 2 pendant
la guerre d’Algérie pour le combat aéromobile,
le
centre de simulation du Naval War College à Norfolk,
Le système militaire britannique,
qui peut par ailleurs être très conformiste, trouve sa souplesse en tolérant
une certaine dose d’excentricité et en acceptant les armées privées comme les
chindits de Wingate, le SAS de Stirling, le royal tank corps.
5-Un élément important est que
pour pouvoir expérimenter dans son coin, il faut avoir un surplus de ressources internes (le slack, le jeu d’une pièce
dans un mécanisme en jargon de management), ce que permet plus facilement le groupement en
laboratoire tactique. [March et Simon, Les
organisations, Dunod, édition de 2005 ; Eric Abrahamson, A perfect mess, Little brown and
company, 2007]
Ces ressources peuvent être
matérielles (des munitions par exemple) mais aussi et peut-être surtout
intellectuelles.
Face aux nombreux problèmes très
concrets qui se sont posés en 1914 ou en 1973 pendant la guerre du Kippour, il
s’est trouvé une multitude d’idées puisées soit dans l’expérience civile des
réservistes mobilisés, soit dans la mémoire de militaires ayant vécu ou
expérimenté autre chose que les méthodes en cours.
samedi 19 octobre 2013
La métamorphose des éléphants- 7 Les flux d'idées
Les évolutions reposent donc largement
sur la qualité des flux d’informations. Voyons cela de plus près.
1-La première question qui se pose
est de savoir qui dispose des meilleures
informations pour déceler des problèmes et proposer des solutions.
En première approche, on dira qu’en
temps de paix, les informations issues du « front
virtuel » ont longtemps surtout été accessibles par les institutions chargées de la réflexion,
par
exemple l’Ecole supérieure de guerre en France à la fin du XIXe siècle ou les
directions d’armes du ministère de la guerre, ou le Grand état-major allemand,
puis les institutions chargés d’écrire la doctrine, parfois les mêmes mais pas
nécessairement.
A
partir des données du front virtuel décrit plus haut : comptes rendus des
grands exercices, des attachés militaires à l’étranger, des missions qui l’on
qualifierait de retour d’expérience, etc. Les unités de combat n’ont que
partiellement accès à ces informations et ne sont que faiblement incitées à les
utiliser pour s’adapter.
2-En
temps de guerre, les informations
pertinentes étaient surtout le fait des unités
tactiques qui, comme les grands reporters, sont au plus près des évènements
et dans ce cas sont beaucoup plus incitées à s’adapter, ne serait-ce que pour
réussir les missions ou simplement survivre. Problèmes et solutions se
rejoignent alors parfois aux petits échelons, sinon ils remontent la voie
hiérarchique.
Dans
cette configuration, le moteur de
l’évolution est dans la Doctrine en temps de paix
et plutôt dans la Pratique
en temps de guerre. Cette dichotomie est source de tensions.
3-Cette
tension survient souvent lors des débuts
de guerre lorsque les unités de combat s’aperçoivent qu’elles
« savent » (ou qui croient savoir car elles n’ont souvent qu’une vue
parcellaire des choses) et
l’ « armée d’en haut » qui leur apparaît toujours en
retard ou décalée, surtout si on est dans une situation de guerre tout à fait
nouvelle.
En
avril 1915, le parlementaire et lieutenant d’infanterie Abel Ferry écrit dans
un rapport : « La guerre de tranchées, toute de détails n’a été ni prévue,
ni étudiée. Les grands états-majors l’ignorent, ils n’y ont pas vécu, ils n’y
ont pas commandé ». Quelques jours plus tard, dans une note lue au conseil des
ministres, il conclut : « Il y a lieu de faire pénétrer en haut
l’expérience d’en bas». [FERRY, Abel, Carnets secrets 1914-1918,
Paris, Grasset et Fasquelle, 2005, pp. 36-37]
Notons
que le processus s’inverse aussi lorsqu’on
passe du temps de guerre au temps de paix. Cela peut-être également source
de tensions
comme avec
ces cavaliers qui arrivent en 1919 à Saumur pour suivre les stages qu’ils n’ont
pas pu suivre et à qui on dit qu’ils vont apprendre la vraie guerre et doivent
oublier la parenthèse malheureuse et aberrante qu’ils viennent de connaître.
4-Ce
schéma se complique lorsque vous avez deux
armées parallèles
comme par
exemple pendant la guerre d’Indochine avec une armée qui se bat en Extrême-Orient
et une autre qui se prépare à une nouvelle guerre continentale.
5-Vous
notez aussi que j’ai parlé de ce processus au passé. On peut en effet se
demander si avec toutes les informations
disponibles aujourd’hui, un simple lieutenant n’en sait pas autant ou n’est
pas capable d’en savoir autant ou presque que le chef d’état-major des armées.
6-Un
autre aspect important est celui de la déformation
des idées transmisses par rapport
aux observations et idées initiales. Bien souvent, c’est la manière dont sont
organisés les rapports entre les différents échelons de commandement qui conditionne
la qualité de l’information qui transite par les différents flux montants mais
aussi descendants lorsqu’il s’agit de faire appliquer par tous des idées
nouvelles.
7-D’une
manière générale, les régimes
autoritaires ont certaines facilités à contrôler le flux descendant des
ordres ; en ce qui concerne le flux montant des informations, on constate
une différence notable entre le flux issu du « front virtuel » et
celui du front réel du temps de guerre.
L’armée et
la marine japonaise procèdent à des analyses remarquables avant la Seconde Guerre
mondiale. En revanche, dès que les ennuis commencent à partir du milieu de
1942, les généraux japonais, pourtant d’un immense courage physique, témoignent
d’une grande lâcheté refusant le plus souvent de rendre compte de leurs
difficultés. Le haut commandement impérial est ainsi très mal informé sur les
problèmes concrets rencontrés par ses unités et peut donc difficilement y
apporter des réponses. L’emploi d’une structure parallèle de surveillance (les
commissaires) est le procédé le plus souvent utilisé pour faire face à ce
problème.
On
pressent aussi avec cet exemple japonais, l’importance
de la culture dans la circulation des informations.
8-Du
côté des armées démocratiques, le
problème est souvent inverse. Les comptes rendus sont plus honnêtes, il est
en revanche plus difficile de faire appliquer des ordres qui choquent trop les
unités ou la hiérarchie (parce qu’ils heurtent des valeurs profondes en
général).
On a déjà évoqué le cas du règlement d’infanterie de 1875
En 1917,
Pétain, général en chef, ordonne aux armées de s’organiser défensivement en
profondeur. Il faut pourtant attendre la fin du mois de mai 1918 et l’écrasement
de la VIe
armée du général Duchêne, qui avait refusé d’appliquer cet ordre, pour que la
nouvelle doctrine s’impose.
9-Notons,
là encore, l’importance de la culture y
compris dans ces armées démocratiques.
L’analyse
des comptes rendus français de la Première Guerre mondiale témoignent d’une grande
honnêteté et d’une grande liberté de ton mais qui reste dans le système
culturel français. Le devoir exige de dire la vérité au chef mais pas de
l’humilier en exposant les difficultés au grand jour.
Les
Américains sont beaucoup plus libres dans leur expression et ont peut lire
actuellement des textes de jeunes officiers très critiques sur leur engagement
en Irak par exemple.
10-Notons
aussi, et cela est lié aussi à la culture, l’importance des perceptions et notamment des premières
perceptions
Lorsque les Britanniques ont employé les chars pour la
première fois sur la Somme
en septembre 1916, le discours allemand a consisté à dénigrer ces armes
« inhumaines » et peu efficaces. Les parades sont donc restées très
limitées jusqu’en 1918 et les premiers engins allemands ne sont apparus qu’à la
fin de la guerre, en reproduisant les défauts initiaux des Alliés.
Les analyses sérieuses sur la guérilla irakienne furent
entravées jusqu’à l’automne 2003 par l’idée qu’il ne pouvait s’agir que des
derniers feux de nostalgiques de l’ancien régime. Plusieurs mois précieux ont
ainsi été perdus.
vendredi 18 octobre 2013
La métamorphose des éléphants- 6 Le modèle de la corbeille
Dans une armée parfaite, la grande roue de l’évolution tourne vite et dans
la bonne direction. Les écarts entre le résultat observé et le résultat attendu
sont peu importants et font l’objet de corrections immédiates et adaptées. Dans
les armées réelles ce n’est évidemment pas aussi simples.
1-En premier lieu, les problèmes (« contradictions non
résolues » selon Mao) ne sont pas forcément visibles et les solutions par
forcément audibles. Ceux
qui identifient les problèmes n’apportent pas toujours de solutions. Ceux qui
proposent des solutions sont rarement des décideurs, car ces derniers sont
généralement trop occupés et éloignés des problèmes pour les voir. Il faut donc attendre que les décideurs
soient au courant des problèmes et qu’ils aient des occasions de rencontrer des
porteurs de solution. Il faut ensuite que les solutions soient mises en
œuvre. Tout cela peut prendre beaucoup de temps, à tel point que le problème a
parfois disparu lorsque la solution est mise en application.
Cela peut
survenir de l’inertie des grands
programmes d’armement
L’infanterie française s’est
ainsi organisée autour d’un lance-missiles, l’Eryx, conçu pour l’affrontement
contre les puissantes colonnes de chars du Pacte de Varsovie. Le problème étant
cependant que cela s’est fait après la disparition du Pacte de Varsovie.
L’avion Rafale est de la même façon un merveilleux tueur de Mig mais sans Mig à
tuer.
Cela peut venir
aussi d’une mauvaise circulation de
l’information, c’est-à-dire que les flux de problèmes, de solutions et de décisions
ont du mal à coïncider. Dans ce cas, il se peut que l’on maintienne des
décalages et des contradictions non résolues pendant très longtemps
Dans les années 1880, l’infanterie adopte des
règlements qui imposent le retour à
l’ordre serré sur le champ de bataille au son du tambour alors que toutes
les armées européennes, dont la
France avec le Lebel,
se dote de fusils dont le pouvoir létal, au moins quatre fois supérieur à leurs
prédécesseurs, rend suicidaire toute idée de mouvement en ordre serré. Il y a
contradiction mais il faut attendre le règlement d’infanterie de 1904 pour la
voir se résoudre.
Les premières déclarations
sur l’inadaptation des troupes à cheval sur le théâtre européen datent de
l’apparition des armes à canons rayés au milieu du XIXe siècle. Les unités à
cheval françaises perdurent pourtant jusqu’en 1940 alors que le problème de
leur emploi sur le champ de bataille moderne européen n’a pas été résolu.
2-Dans ce cas,
il faut un révélateur pour mettre en
évidence le problème et accélérer le processus de décision. Dans le
meilleur des cas, le révélateur survient en temps de paix à l’observation des
guerres étrangères.
L’affrontement du
Merrimac et du Monitor en 1862, qui démontre d’un coup l’écrasante supériorité
des navires cuirassés sur les navires en bois.
Il faut par exemple la
guerre des Boers (1899-1902) pour que les décideurs voient la puissance de feu
des fusils modernes.
Mais souvent le révélateur
est un désastre
Les premiers combats de la
guerre du Kippour en octobre 1973 dans le Sinaï mettent en lumière la
vulnérabilité des chars israéliens utilisés seuls et de manière dispersée face
aux moyens antichars des Egyptiens, pourtant parfaitement connus.
C’est aussi un des secrets
du miracle de la Marne. Fin
août 1914, lors de la bataille des frontières, les armées françaises découvrent
l’inadaptation de leur pratique à la puissance de feu moderne.
Dans les deux cas, Kippour etla Marne ,
les révélateurs permettent de mettre en avant des porteurs de solutions qui
n’avaient été écoutes jusque là et les innovations se diffusent très vite
permettant d’inverser la situation.
Dans les deux cas, Kippour et
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